«Avec cette clé, je peux faire tomber tous les hommes...»

01/11/2024

Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit.

« Ces gens vêtus de robes blanches, qui sont-ils, et d'où viennent-ils ? » Je lui répondis : « Mon Seigneur, toi, tu le sais. » Il me dit : « Ceux-là viennent de la grande épreuve ; ils ont lavé leurs robes, ils les ont blanchies par le sang de l'Agneau. »

Frères et sœurs bien-aimés, la Parole de Dieu choisit de représenter la vie chrétienne, notre vie à tous, comme une grande épreuve, explicitement. Notre vie est une grande épreuve. Notre vie est une grande lessive, réalisez aussi, puisqu'on arrive (ceux qui sont sauvés) avec ces robes blanches, purifiées dans le sang de l'Agneau.

Le Ciel, la vie éternelle, c'est la célébration de cette victoire remportée : celle de l'Agneau vainqueur d'abord, à laquelle communient tous ceux qui ont consenti à se laisser sauver. Non, pas passivement, comme par magie, mais activement, en tâchant de vivre dans la Foi et l'Amour, en courant l'épreuve qui leur était proposée, en lavant ainsi leur robe. Eh bien vous voyez, avoir la Foi - la Foi chrétienne du moins - c'est saisir cela : que notre Sauveur Jésus-Christ nous a mérité la vie éternelle et que nous pouvons bénéficier de sa victoire en consentant à nous battre, à travailler pour notre salut, à sa suite. Voilà ce que la Foi nous donne de saisir.

Mais ce que nous savons par la Foi, chers amis, nous ne sommes pas les seuls à le savoir. Le Diable le sait aussi. Si le but d'un chrétien est de remporter cette épreuve qu'est la vie, le but de cet éternel perdant, c'est de nous acculer à l'échec, à la défaite. Et comment s'y prend-il ? De mille façons. Mais surtout, ultimement, d'une façon que je voudrais vous rappeler ce matin, en cette fête de la Toussaint. Car, en creux, je me disais c'est l'enjeu-même de la célébration de la Toussaint qui est la victoire du Ciel !

Pour vous le faire comprendre, je vais vous raconter une petite parabole, une petite anecdote, en bonus pour cette fête de la Toussaint. 

C'est la foire-expo diabolique, ambiance Halloween : tous les démons sont réunis pour une sorte de grand marché, où l'on peut acquérir toutes sortes de trucs pour faire tomber les hommes. Chacun vend sa came. On passe de stand en stand, on fait ses emplettes, on négocie les prix... Et on repart, le caddie bien chargé, dans le monde des hommes pour espérer les faire tomber, avec les derniers gadgets qui le permettent. 

Un démon se promène. Il aperçoit que dans l'allée centrale de cet immense magasin, de cette foire-expo diabolique, il y a un petit stand isolé, ou plutôt une table, surmontée d'une caisse transparente, qui ressemble presque à un reliquaire, à l'intérieur duquel il y a un petit coussin rouge en velours. Et une petite clé disposée sur ce coussin. Et puis cet écriteau : "Hors de prix".

Évidemment ça intrigue ce démon ; il n'est pas le seul à s'arrêter, à se poser des questions, mais lui va plus loin. Il veut en savoir davantage, demande s'il y a un chef de rayon. Il patiente pendant des heures. Et puis on lui dit "non, c'est directement le directeur de l'exposition". Il se trouve en présence du Diable lui-même, du Démon, de Satan. Il lui dit "je serais curieux de l'acquérir". Le Démon lui dit : "ah non, ça, c'est mon arme absolue. Je ne la vends pas. C'est mon passe-partout. Avec cette clé, je peux faire tomber tous les hommes sans exception. Avec cette clé, j'ai fait tomber des papes, des cardinaux, des évêques. J'ai fait tomber les meilleurs pasteurs que j'avais repérés, ou les pires que j'ai achevés. Avec cette clé, j'ai fait tomber des Carmélites de choc, des religieux très éprouvés, des parents et des époux chrétiens, bien enracinés dans la Foi. Avec cette clé, j'ouvre tout. Et je ne la vends pas. Je me la garde, heureux qu'elle suscite la jalousie !" Car le Diable est toujours heureux de susciter la jalousie, lui-même en étant dévoré. Cette clé, frères et sœurs bien-aimés - et là c'est sérieux ce que je vous dis ! - cette clé a un nom : c'est LE DÉSESPOIR. C'est le désespoir, la désespérance.

Et dans l'autre sens, c'est l'Espérance la seule qui peut nous garantir le Ciel. 

"Dès maintenant, écrit Saint-Jean, nous sommes enfants de Dieu. Mais ce que nous serons n'a pas encore été manifesté. Quand cela sera manifesté, nous lui serons semblables car nous le verrons tel qu'il est. Et quiconque met en lui une telle espérance, écrit Saint-Jean, se rend pur comme lui-même est pur."

Le désespoir, lorsqu'il s'immisce dans le cœur des hommes, est capable de tous nous faire tomber, et de nous faire tomber très bas. De nous faire commettre le pire, de nous entraîner très loin, car il introduit, ce désespoir, l'enfer dans notre cœur.

La pureté en laquelle consiste la victoire, c'est de voir la réalité de notre situation spirituelle telle qu'elle est ; de voir notre situation en vérité. Au-delà des apparences de bien-être ou de mal-être, c'est la perception juste de notre situation spirituelle vraie. Et l'acte d'Espérance la résume parfaitement : espérer votre grâce en ce monde, que Jésus m'aide et m'aime, qu'Il est à mes côtés, et le bonheur éternel dans l'autre, que je suis sur terre pour ultimement préparer le Ciel. 

Je sais, je crois que le Seigneur ne m'abandonne jamais, qu'il ne m'abandonne pas en cet instant, qu'il ne m'a jamais abandonné, qu'il ne m'abandonnera jamais : ça c'est la grâce. L'aide infailliblement offerte par Jésus à chacun d'entre nous, pourvu que nous l'accueillions. Et puis la gloire, le Ciel : Je sais, je crois que le Ciel m'attend, que je suis fait pour cette vie éternelle. Je crois en la vie éternelle, je crois en l'existence d'une plénitude irréversible d'amour et de bonheur absolu.

Autrement dit, vivre dans l'Espérance, pour un chrétien, pour le dire en une autre image, c'est sentir la main du Seigneur sur notre épaule et entrevoir la lumière à l'horizon. Or aucune puissance n'a le pouvoir de retirer cette main lorsqu'elle est sur mon épaule. Ni d'éteindre l'horizon lumineux. Je peux me dérober, je peux me retirer, repousser cette main. Je peux aussi fermer les yeux. Mais la main de Jésus douce et forte demeure alors en suspension, comme une miséricordieuse bénédiction sans cesse offerte. Et le paradis, lui aussi, continue de briller de mille feux, que je le veuille ou non.

Vous voyez, être saint... Un saint, ce n'est pas quelqu'un qui voit Dieu sur terre. Aucun saint n'a vu Dieu. La vision de Dieu c'est le Ciel, et si le saint est sur terre, il n'est pas au Ciel, il ne voit pas Dieu

Mais un saint, c'est quelqu'un qui voit la vie comme Dieu, qui voit ce que Dieu voit, qui saisit ce que veut Dieu. Ce pauvre de cœur, cet humble dont Jésus dit que le royaume de Dieu est à lui aujourd'hui et non demain, parce que ses yeux perçoivent, bien qu'actuellement existants, ils perçoivent à l'horizon, ils entrevoient la vie éternelle.

Vous voyez, au moment où nous parlons, nous célébrons cette messe de la Toussaint, une fête au Ciel est actuellement et éternellement en train de se dérouler. C'est la vie éternelle. Heureux les pauvres de cœur, les humbles, car ce royaume leur appartient déjà.

Frères et sœurs bien-aimés, en attendant de voir Dieu, nous l'espérons, nous voulons voir Dieu pour l'éternité. Essayons de voir ce que Dieu voit. Purifions notre regard, par la confession quotidienne de l'Espérance. Le désespoir conduit à la pire des morts, la mort éternelle. L'Espérance à la meilleure des vies, la vie éternelle.

Le romancier Georges Bernanos avait cette formule géniale - il n'y a pas d'autres mots - 

"L'Espérance est une détermination héroïque de l'âme, sa plus haute forme. L'Espérance est toujours un désespoir surmonté."

Vous voyez, cette définition suppose de se dire, d'avouer, de reconnaître, de partir de ce constat qu'il y a beaucoup de raisons de désespérer et que cette vie est une épreuve. Si on ne constate pas, si on n'admet pas, sous prétexte d'optimisme béat, on ne pourra jamais vivre dans l'Espérance. Il faut oser le constat. Oser dire notre douleur. Oser dire nos souffrances et nos maux, pour pouvoir confesser l'Espérance, avec la grâce de Dieu.

Frères et sœurs bien-aimés, courons, essayons de courir la grande épreuve de notre vie. Avec cette conscience avisée que Dieu s'emploie de toutes ses forces à nous permettre de la remporter. Mais que l'ennemi du genre humain, l'ennemi de Dieu, l'ennemi de son œuvre, l'ennemi de chacun d'entre nous, s'emploie inlassablement à distiller le poison du désespoir en nos âmes, afin d'y introduire l'enfer et de nous introduire nous-mêmes en enfer.

Nous devons nous administrer quotidiennement "le détox de l'Espérance", si vous voulez. Pour éliminer ces toxines du désespoir, sans cesse distillées et inoculées par l'air ambiant : cet air fétide et pestilentiel d'Halloween, le culte de la laideur, la fascination pour le mal et la mort. On peut s'en prémunir, en confessant l'Espérance, en accueillant le don de Dieu, en confessant l'Espérance chrétienne la plus pure, la plus purifiante, celle qui nous donne de revenir vainqueurs de la grande épreuve.

L'acte d'Espérance - vous le retrouverez facilement - nous le faisons nôtre. Il résume tout. Mon Dieu, j'espère avec une ferme confiance que vous me donnez, par les mérites de Jésus-Christ, votre grâce en ce monde, et que vous me donnerez le bonheur éternel dans l'autre, parce que vous l'avez promis et que vous tenez toujours vos promesses.

Dans cette Espérance, puissé-je vivre et mourir !

Amen.

Père Simon CHOUANARD, homélie du 1er novembre 2024

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